TW : Suicide.
Parce que c’est une journée où volontairement je me passe d’écran (#journeesansecran sur mastodon). Que je lis et que les protagonistes tiennent (le plus souvent) à la vie « je vous en supplie, restez en vie ».
Parce qu’en écoutant un cd sur mon vieux poste cd/k7/radio, j’entends la reprise de la chanson de Mano Solo « le monde entier ».
Parce qu’on est en janvier.
Après des années de procrastination, je prends le stylo (le clavier pour recopier quelques jours plus tard) pour te dédier cette chanson.
Ça fait de nombreuses années que je n’ai plus de nouvelles. Trois solutions :
- Tu as trouvé l’exil dans un autre pays comme tu le souhaitais et tu es heureuse. J’y crois pas.
- Tu es enfermée dans un asile et entre deux cachetons qui t’abrutissent, tu hurles ta rage et ta colère. Je ne te le souhaite pas.
- Les oiseaux, la nature, la musique n’ont pas réussi cette fois-ci à t’empêcher de mourir. J’espère que tu n’as pas souffert et que tu ne souffres plus.
Tu habitais une ancienne ville industrielle des Yvelines et un jour tu es arrivée pour faire des sciences avec les enfants malgré tes difficultés.
On a échangé, on a sympathisé.
Tu étais libre, tu y tenais, je t’imagine sur ton vélo parcourir la ville et campagne des alentour en essayant de ne pas voir les regards qui te jugeaient. Te jugeaient-ils réellement ? En-tout-cas, tu le voyais et cela te tourmentais.
Malgré une sœur qui t’a aidé et que tu as admirée pour ces études, tu as fui une mère, un père décédé. Je n’ai jamais trop su comment tu considérais ton frère.
Tu fuyais la violence de la maison, de la cité, l’injustice, le fait d’être marocaine en France, la surveillance des gens, de la société.
Tu fuyais dans plusieurs villes de provinces car tu cherchais un lieu pour aller mieux pour faire de la musique, pour vendre des graphismes… tu cherchais juste un endroit pas trop mal pour essayer de mener sans entrave ta vie.
À défaut d’avoir pu t’aider plus, je n’ai jamais compris comment, j’ai essayæ de t’écouter, te comprendre, d’être une personne à qui tu pouvais faire confiance. Tu m’as appris plein de choses sur celle d’une gamine (c’est le nom affectueux que j’ai pour toi) de banlieue.
Je te dédie cette chanson de Mano Solo.
Tu as lutté et je ne l’oublierai pas. En espérant que ces mots électroniques atteignent et embellissent là où tu reposes à un endroit que je ne connais pas.
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Paroles
Chanson de 1993 dans son premier album la Marmaille Nue.
Le monde entier ne saura jamais à quel point j’étais triste
A quel point tu t’es trompée, tu t’es trompée
Le monde entier n’a même pas vu qu’on t’avait retrouvée
Pendue à tes pieds deux trois dessins et des lettres à tes copainsMais moi j’étais trop loin
J’étais même pas là pour te tendre la mainLe monde entier n’a pas chialé
Le monde entier n’est pas là pour ça
Le monde entier ne t’en a pas voulu autant que moi
Si tu m’avais demandé moi je t’aurais dis que dans la vieCe qui compte c’est pas l’issue mais c’est le combat
Qu’il faut rendre ce que tu reçois
Les mauvais coups comme les plus bas
Et que rien que la beauté du geste
Te donne raison sur ce que tu détestesMais moi j’étais trop loin
J’étais même pas là pour te tendre la mainMoi j’avais pour toi des rêves plein d’entrain
Qui finissaient pas au cimetière pantin
Même si moi aussi j’ai eu mille fois l’envie
De dire va te faire foutre la vie
Mais tu vois il me reste encore une bonne droite
Et je ne l’ai pas encore collée
Dans la gueule du monde entierLe monde entier ne saura jamais à quel point j’étais triste
A quel point tu t’es trompée, tu t’es trompée
Le monde entier n’a même pas vu qu’on t’avait retrouvée
Pendue à tes pieds deux trois dessins et des lettres à tes copains
Musique
Enregistrement live de 1999 : Internationale Sha la la (Live au Tourtour)
Reprise de 2015 des Hurlements de Léo :Chantent Mano Solo (Irfan) avec Francesca Solleville.
Tu tenais beaucoup à tes œuvres, à ce que tu faisais. Permets-moi qu’on entende ta voix de ce que j’ai mémorisé comme étant toi chantant dans un studio du côté de la Défense sur la piste ombre par exemple.
Puisse-tu reposer en paix.
image à la une : Nicod, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons